I am not your Negro (documentaire), de Raoul Peck

Synopsis : Raoul Peck superpose images d’archives et prises du vues des USA du XXIe siècle, sur les mots de l’écrivain afro-americain James Baldwin. Ce dernier parle du mouvement pour les droits civiques qui a secoué les États Unis dans les années 1960, et dénonce notamment les assassinats de trois de ses proches amis engagés dans cette lutte : Medgar Evers, Malcom X et Martin Luther King.

Réalisation : Raoul Peck
Scénario : James Baldwin et Raoul Peck
Sortie : 2016

Une fois n’est pas coutume, je vais aujourd’hui parler d’un film / documentaire. Je l’ai vu lundi soir à Lille, à l’occasion d’une projection organisée au Palais des Beaux Arts, alors que je passais le week end dans la MEL (comprendre : Métropole Lilloise). Et quelle superbe découverte (je parle bien du film, quoique Lille m’a aussi fait une impression très positive) !  Je ne pouvais pas ne pas en parler.

Je ne sais pas trop par quoi commencer, tellement j’ai tout aimé dans ce film. Peut être par quelques mots sur les écrits de Baldwin, et surtout le texte retenu pour ce film en particulier et objet de la voix off, interprétée par nul autre que l’immense Samuel L. Jackson lui même. Cet inédit de Baldwin s’intitule Remember this house et se veut une sorte de pamphlet sous forme de lettre retraçant les années qui ont mené aux meurtres de ses trois amis, évoqués plus haut dans le synopsis. Cette lecture encadre le documentaire, puisqu’elle accompagne le spectateur du début à la fin - il s’agit bien du coeur du documentaire, plus que les images en elle-même, simples illustrations permettant de mettre en valeur la verve de Baldwin.

En plus de cette voix off, de nombreux extraits d’interviews ponctuent le film : Peck met l’accent sur une interview de Baldwin en particulier, au cours de laquelle il disserte sur la question afro-américaine et remet régulièrement - et extrêmement habilement - le journaliste à sa place. C’est en outre lors de cette interview que l’écrivain s’exclame « I am not your negro ». Il y développe en effet l’idée selon laquelle la figure du « nègre » n’a été créée par les américains blancs que par besoin d’un faire-valoir : Baldwin en vient donc à prier les américains de se regarder dans un miroir afin de se demander « why do i need a negro? ». 

Résumée comme cela en un paragraphe, cette déclaration perd de sa superbe, mais c’est là que réside la beauté du film : Peck met tous les moyens en œuvre pour que ce postulat découle naturellement des paroles de l’écrivain et soit comme attendu par les spectateurs. Ceux-ci ont effet été mis en condition pendant l’heure et demi qui l’a précédée, et sont donc prêts à recevoir cette assertion de Baldwin - véritable thèse de l’auteur - et à la comprendre pleinement. Le documentaire devient alors le support idéal pour replacer les paroles de l’écrivain en contexte.

Attardons nous sur la forme à présent, car il me semble nécessaire de dépeindre l’écrin qui renferme ce joyau. Raoul Peck a monté un film rythmé et juste, où le choix précis de chaque séquence filmée illustre avec pertinence les mots de Baldwin. En plus de ces qualités de monteur, le réalisateur propose une bande originale génialissime et qui saute aux oreilles (je suis très fière de ce jeu de mots, sachez-le) dès les premières minutes du documentaire. Car si celui-ci s’ouvre sur un passage de la fameuse interview de Baldwin reprise a intervalles réguliers dans le film, cette séquence sans musique est soudainement coupée par un morceau rythmé et rock n’roll (inévitablement très sixties) qui lance le générique de début du documentaire. 

Le film étant organisé en différents chapitres portant chacun des titres brefs et explicites (un peu à la Tarantino), la musique accentue et valorise cette catégorisation rigoureuse en créant du rythme (ce n’est la encore pas sans rappeler le style de Tarantino). Ces chapitres aident à suivre la chronologie des événements ayant menés aux trois assassinats dénoncés par Baldwin.

Si vous avez l’occasion de voir ce superbe documentaire, n’hésitez pas une seule seconde ! En attendant, j'aimerais beaucoup lire Remember this house (le texte de Baldwin lu tout au long du doc, donc), mais j'ai du mal à le trouver. Si quelqu'un a une piste pour se procurer ce texte, je prends :) 

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